
Antoine Chazallon
Les débuts
Antoine-Marie-Rémi Chazallon est né le 7 janvier 1802 à Désaignes, en Ardèche, ses parents sont Marguerite Patouillard et Étienne Chazallon, instituteur, qui lui donne les premières connaissances scolaires ou scientifiques de l’époque. Il tient de ce père l’amour du travail et de la recherche.
Il est ensuite inscrit au collège de Maisonseule* à Saint-Basile où il vite repéré par ses professeurs qui rencontrent un esprit ouvert à toutes les disciplines mais surtout intéressé par les mathématiques et l’astronomie.
Il entre à l'École polytechnique en 1822 après avoir préparé le concours en Ardèche et sans connaître tout le détail du programme. Bien qu’interrogé sur un point qu’il ne connaissait pas, il est remarqué par un examinateur pour son esprit intelligent, vif et inventif. Il est donc admis à polytechnique où il se hisse à la hauteur de François Arago (astronome et physicien), ou Henri Poincaré (mathématicien, ingénieur, physicien).
A sa sortie en 1824, engagé par l’ingénieur-hydrographe Charles-François Beautemps-Beaupré, il intègre le Corps des ingénieurs hydrographe de la marine pour une étude des côtes de France.
C’était un travail difficile en mer et à terre qui a conduit à la publication du « Pilote Français » comprenant de nombreuses cartes, plans, tableaux des pleines et basses mers consacrant ainsi l’excellence française en matière d’hydrographie.
Sur le terrain Antoine Chazallon acquiert une grande expertise publiée dans un mémoire : « Mémoire sur les divers moyens de se procurer une base – Emploi de la vitesse du son – Emplois des observations astronomiques – et formules géodéiques ». Ce mémoire paraît en 1837 dans les Annales maritimes et coloniales.
Inventeur de l’Annuaire des marées des côtes de France
Il fait une découverte importante sur la relation entre la position des astres et les phénomènes de marées. Il expliqua très bien par exemple que dans un port la tenue du plein dépend de la puissance attractive des astres. Elle peut donc variée en fonction des heures et des périodes.
Avec l’autorisation et le contrôle de l’Amirauté, et avec les conseils de François Arago, il publie en 1839 un document qu’il nomme « annuaire des marées indiquant pour chaque jour de l’année l’heure du plein et l’élévation de l’eau dans les principaux ports de l’Océan. Il dresse par ailleurs une carte des planisphères célestes destinée aux officiers de marine.
Publié par Chazallon, cet Annuaire des marées des côtes de France, innovation française, fut très rapidement repris par la plupart des pays. Étrangement, il n'en sera fait mention que 3 fois par la suite dans les procès-verbaux (19/03/1856, du 24/12/1856 et du 19/06/1861).
Son grand intérêt pour la marégraphie le propulse responsable du service des marées au Dépôt des cartes et plans de la Marine en 1838, ce qui est inédit pour un ingénieur-hydrographe, poste qu’il occupera jusqu’à sa retraite en 1861.
Le bâtisseur du premier réseau marégraphique français
Antoine Chazallon se rend rapidement compte que la théorie de Pierre de Laplace (mathématicien, astronom, physicien) peut être perfectionnée grâce à des séries de mesures continues de hauteur de la mer faites en plusieurs ports.
Le Bureau des longitudes est ainsi directement sollicité et Antoine Chazallonn chargé d’effectuer une tournée des côtes de France (PV du 11 septembre 1839. Suite à ses déplacements, il rédige un rapport où il propose des améliorations pour l’observation du niveau marin. Ce rapport, qui a malheureusement disparu, est transmis au Bureau des longitudes par le ministre de la Marine.
Pour juger des propositions sur ce sujet important une commission composée d'Arago, Louis de Freycinet (1779-1842), Daussy et Savary est nommée (procès-verbal du 8/4/1840) et ses conclusions sont lues et adoptées lors de la séance du 17 juin 1840. Malheureusement, ce rapport a également disparu des procès-verbaux.
Au cours de sa tournée d’inspection Antoine Chazallon décèle les limites des mesures de hauteurs d’eau faites par l’homme à l’aide d’échelles de marée. Il propose d’équiper plusieurs ports français de marégraphes, appareils mécaniques permettant la mesure en continu du niveau de la mer.
D’après ses plans, Wagner Neveu, artiste horloger à Paris, construira plusieurs marégraphes. Grâce à cette innovation Antoine Chazallon reçoit le 5 juin 1850 la médaille d’argent de la Société d’encouragement au nom du Comité des arts mécaniques.
Il faut savoir que, pour fonctionner, les marégraphes ont besoin de puits de marées, maçonnerie délicate à exécuter le long des quais et qui accusent des retards de livraison, au point que s’en alarment les membres du Bureau dans les séances du 10 et 17 janvier 1844.
Le premier réseau marégraphique français devient opérationnel quelques mois plus tard et se déploie au fil des années : Alger en 1843, Toulon en 1844, Brest en 1845, Cherbourg en 1846, Saint-Malo (Saint-Servan) en 1849, Le Havre en 1850, Fort-Enet (estuaire de La Charente) en 1859 et Saint- Nazaire en 1863 (mais initialement prévu en 1861).
L’acquisition de mesures précises et continues du niveau de la mer constitue une véritable révolution permettant l’essor de nouvelles études marégraphiques inédites. Le développement de cette activité permet à Antoine Chazallon d’écrire de nombreux articles sur ces travaux.
Reconnu comme un expert du phénomène des marées, il est sollicité par le bureau des longitudes pour une publication détaillée du coefficient des marées dans la Connaissance des temps.
Pour ce faire, une commission est composée avec l’Amiral Albin Roussin (1781-1854), Charles-François Beautemps-Beaupré (1766-1854), Pierre Daussy (1792-1860) et Charles-Louis Largeteau (1791-1857).
Les conclusions de ce travail ont malheureusement disparu, à l’exception de quelques traces dans les procès-verbaux des 11/12/1844 et 29/1/1845. Dans le premier procès-verbal, Antoine Chazallon adresse une note sur des erreurs qui, d’après lui, se sont glissées dans la Connaissance des temps, concernant les coefficients des plus grandes marées. Ces conclusions seront confirmées par Largeteau, et insérées dans les additions de cette publication.
Dans une notice rédigée par Antoine Chazallon en vue d’appuyer sa candidature à l’Académie des sciences, et parue en 1860 [2], il apparaît que les erreurs signalées par l’ingénieur hydrographe portaient sur un grand nombre de coefficients de marée calculés, de 1810 à 1834, et qu’un rectificatif a bien été diffusé dans les additions de la Connaissance des temps pour 1847.
En 1853 et 1856 il dirige une nouvelle reconnaissance hydrographique des environs du Havre car les professionnels s’inquiètent d’une éventuelle disparition du phénomène de la « tenue du plein » dans leur port » à cause des grands travaux d’endiguement de la Seine.
Contrairement à l’opinion de la majorité des ingénieurs , il prouve que la Seine n’influence en rien la tenu du plein et que ce phénomène vient simplement d’une configuration maritime particulière.
Ses candidatures au Bureau des longitudes et à l’Académie des Sciences
En 1856, il fait acte de deux candidatures au Bureau des longitudes sans succès, une première pour un poste de membre titulaire dans la section des Géographes, et la seconde comme membre adjoint.
En 1861, il tente sa chance à l’Académie des Sciences, section géographie et navigation où il n’est classé que 4ème.
Antoine Chazallon a laissé un héritage précieux dans le domaine de la marégraphie ; l’actuel département Marée-Courants dépendant de la division hydrographie, océanographie et météorologie militaires du Service hydrographique et océanographique de la Marine est l’héritier direct du service des marées qu’il a mi en place il y a plus de 180 ans.
L’homme politique
En 1848, il est sollicité par un de ses amis pour représenter le Parlement à l’Assemblée Constituante. Sa réponse donne une bonne idée de son humilité et de son dévouement :
« Notre Département renferme une foule d’hommes plus capables que moi. Mais, dans les circonstances présentes, pensant que le travail et l’énergie sont peut-être plus nécessaires que le talent, je te livre de me proposer comme candidat »
Plus loin, il donne l’essentiel de son programme politique :
« l’amélioration du sort des agriculteurs, afin d’éviter la désertion des campagnes ».
Il est élu avec 28 869 suffrages, termine son mandat mais ne sera pas réélu aux élections suivantes.
Distinctions :
Chevalier de la Légion d'honneur (décret du 28 avril 1842)
Officier de la Légion d'honneur (décret du 13 août 1869)
A sa retraite il revient dans son village de Désaignes où il décède le 23 Décembre 1872. Il est inhumé au cimetière du village, sa pierre tombale porte l’inscription :
« Ici repose A.M.R Chazallon, ingénieur hydrographe de la Marine, décédé à Désaignes le 23 Décembre 1872 ».
Au triangle sommital de la pierre tombale sont sculptés dans le granit :une boussole sur pied, une ancre marine croisée avec un document roulé, et tout à gauche la croix d’officier de la Légion d’Honneur.
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Notes :
Une exposition lui est consacrée au château-musée de Désaignes, et une place porte son nom à Désaignes.
*Maisonseule à Saint-Basile : château du XIIIè siècle, inscrit au MH - qui a été acquis par l'humoriste Yves Lecoq, il a été touché par la foudre en 2013 et la toiture a pris feu.
sources :
Jean Chomel (texte exposé)
Nicolas Pouvreau http://bdl.ahp-numerique.fr/focus-acteurs-np-chazallon1













